LA LIBERTE DE LA RECHERCHE EN QUESTION
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POURQUOI LA RECHERCHE UNIVERSITAIRE SERAIT CONTRAIRE A L'ETHIQUE MILITAIRE ?
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POURQUOI LA RECHERCHE UNIVERSITAIRE SERAIT CONTRAIRE A L'ETHIQUE MILITAIRE ?
Bonjour,
Ce mercredi 14 octobre se réunit au Fort de Rosny-sous-bois le Conseil d'enquête quant à la nature de la faute disciplinaire qu'aurait commise le Chef d'Escadron Jean-Hugues Matelly, officier de gendarmerie et chercheur associé au CESDIP du CNRS.
On peut craindre une sévère sanction disciplinaire : un gendarme (et par extension tout agent public) ne pourra plus penser différemment de sa hiérarchie et de l'autorité politique et surtout le faire savoir jusqu'à s'exposer au risque d'être exclu.
Il est reproché à cet officier supérieur, âgé de 44 ans, contrôleur de gestion pour la région Picardie, ancien rapporteur à la Commission des recours des militaires, commandant de la compagnie de Blois en 1998, excellemment bien noté par sa hiérarchie, sorti major de sa promotion, de formation universitaire, juriste, docteur et chercheur associé en Sciences Politiques et auteur de nombreux articles, romans et ouvrages (notamment un
dernier livre intitulé Police. Des chiffres et des doutes qui aborde la question du traitement et de l?usage des statistiques en matière de délinquance), d'avoir publié le 30 décembre 2008 un article sur Rue 89.com intitulé La gendarmerie enterrée, à tort, dans l'indifférence générale et de s'être exprimé le lendemain sur Europe 1 en critiquant le rapprochement Police/Gendarmerie et, comme le relève la DGGN, « se dispensant ainsi de l'exigence de loyauté et de neutralité liée à son statut militaire ». Rappelons aussi que Jean-Hugues Matelly, qui avait déjà fait l'objet de procédure disciplinaire, s'était exprimé le 23 octobre et le 12 novembre 2007 sur la conduite de la politique sociale au sein de la gendarmerie sur RTL et avait signé un éditorial de nature revendicative publié dans l'Essor, journal corporatif des personnels de la gendarmerie.
Si on peut parfaitement défendre le principe de la totale soumission d'un gendarme qui reste assujetti de manière permanente à son statut et qui ne peut avoir d'activités annexes (notamment celles de chercheur) qui l'exonéreraient de son obligation de réserve et de loyauté, aucune autorité hiérarchique ne doit s'autoriser à analyser les travaux de recherche de Jean-Hugues Matelly "au regard des sanctions disciplinaires encourues".
La gendarmerie ne peut se permettre de juger de la qualité et "ipso facto" de condamner des travaux scientifiques de recherche universitaire. Si Jean-Hugues Matelly reste bien gendarme, et donc à ce titre soumis à une obligation de réserve aussi drastique soit elle, ses travaux ont été reconnus par le monde universitaire à leur juste valeur et c'est une évidence et c'est une règle fondamentale dans toute société démocratique de rappeler que des travaux scientifiques ne peuvent être ni déloyaux ni contraires à une quelconque déontologie professionnelle si tant est qu'ils ne sont ni diffamatoires ni attentatoires à l'ordre public.
Dans l'attente de la décision du Conseil d'enquête, restons vigilants à toute atteinte, même indirecte, à la liberté de la recherche universitaire.
Jean-Yves Fontaine,
Sociologue et juriste, chercheur au CERReV
http://www.unicaen.fr/recherche/mrsh/pagePerso/2077697
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